Izuki se laissa aller à ses songes. Sayumi était vraiment parfaite pour lui. Il ne l'aimait pas certes. Mais il avait appris à l'apprécier. Et puis elle lui apportait ce caractère de stabilité qui, fut un temps ,avait manqué à sa vie.
La route s'élançait avec grâce devant sa voiture. Les lumières des lampadaires filaient le long de sa couse comme autant de lucioles qui lui aménageaient un passage à travers la nuit.
Oui, sa vie actuelle lui convenait bien plus que son passé. Bientôt, il serait rentrer dans son appartement et il pourrait prendre un peu de repos. Bientôt...
BANLIEU DE KENSEI, 6 ANS PLUS TOT...La voix cristalline d'une cantatrice étrangère s'éleva dans la cuisine de la maison des Kokuro, embaumant l'air ambiant d'une pointe de volupté et d'un parfum discret, tout empreint de nostalgie.
Sur les accords d'un bel di, de Xiao Xiao San, le célébrissime opéra de Puccini, Sakura s'évertuait à découper de la viande en fines lamelles.
Elle avait toujours apprécier la langueur des opéras étrangers. Beaucoup plus que la ferveur du théâtre Kasuki.
Et, tandis la dame aux papillons chantait son désespoir de femme bafouée, la mère de famille aimait à vaquer à ses occupations, nettoyant la maison familiale jusque dans ses moindres recoins ou préparant des repas toujours plus sophistiqués pour son mari et pour son fils.
Elle ne prêtait presque plus aucune attention à la musique mais celle-ci demeurait là, dans un coin de son esprit et la faisait voyager tandis qu'elle se noyait dans les tâches toujours plus routinières qui peuplaient sa vie toute nouvelle de femme au foyer.
Elle entendit un bruit derrière elle et, lorsqu'elle se retourna, elle aperçut le visage boursouflé de son mari, collé à quelques centimètres du sien.
Elle faillit défaillir.
-Qu'est-ce que...
L'homme ne répondit rien et, avec toute la fougue d'une bête sauvage, il se jeta sur elle et lui vola un baiser.
-N...non ! Protesta Sakura en se dégageant. J'ai dit non !
-O... râla son mari. Xiao Xiao Chan, juste un petit baiser.
-Arrête de m'appeler comme ça.
Puis, tout en tendant son couteau vers lui, elle ajouta :
-Tu compte m'abandonner pour une américaine toi aussi ? Comme dans l'opéra ?
-Non.
-Alors...
Takumi ne répondit rien. Il se tint tranquille un instant, puis, tout en jetant son bras vers la nourriture que préparait sa femme, il lança :
-Non, car la seule chose que j'aime plus que ma femme, moi, c'est la viande.
Sur ce, il en attrapa un morceau qu'il fourra directement dans sa gorge.
-Non ! Hurla Sakura. J'ai dit non !!!! Pas cru !
Mais il était trop tard. Takumi l'avala d'une traite.
-O mon Dieu, c'est dégoûtant.
-Mhhhh, quoi ? Questionna son mari en pointant sa groge du doigt et en finissant d'avaler le gros morceau qu'il avait dans la bouche. C'est comme ça qu'on mange le poisson non ?
Sakura eut un soupire.
-Tu sais très bien, hacha-t-elle tout en jouant de son couteau, que ça n'est pas comme ça que l'on mange la viande rouge. Si l'on ne fait pas cuire la viande rouge, on peut mourir.
Tout en se retournant vers lui et en le pointant de son couteau, elle ajouta :
-Tu veux mourir ?
Un silence s'installa. Takumi fixa sa femme tout en s'essuyant la bouche avec les doigts.
-Il faut que je file au bureau. J'ai une réunion avec les représentant de chez Fuji. Finit-il par annoncer.
-A cette heure !
-Ils reviennent de l'étranger et ils veulent absolument voir ça avant demain.
La musique prit un rythme lent et apaisant.
-Tu ne mange pas ici ? Demanda Sakura quelque peu déçue.
-Je ne suis pas sûr répondit son mari en quittant la cuisine et en allant finir de se préparer. Tout dépend du temps que cela me prendra.
-Et bien parfait. Lança Sakura en reprenant son travail. Tu n'as qu'à pas rentrer. De toutes façon tout cela ça n'est pas pour toi. C'est pour mon fils. Mon fils qui a finit dans les dix premiers du pays au concours d'entrée à l'université. Ahah ! Quelle fierté pour une mère de pouvoir dire ça... Avec de telles notes, nulle doute qu'il pourra entrer dans n'importe laquelle des universités du Japon.
Le rythme de la musique s'accéléra.
-Mais il préférera rester ici. Je le sais. Prêt de son Église, de ses copains... et de sa maman. C'est un bon petit, tu sais ? Tu devrais lui dire plus souvent.
Sakura entendit la porte d'entrée claquer. Elle sut que son mari était parti.
-Hhhhh... soupira-t-elle.
L'air de la cuisine changea à cet instant. Xiao Xiao san avait désormais pris sa voix de sauterelle et montait dans des aiguës venus d'un autre monde. Un arrière plan d'angoisse se détacha du tableau qui figurait la parfaite image d’Épinal de la bonne mère de famille japonaise, toujours occupée à la cuisine.
Sakura alluma le gaz, huila une poile et y fit glisser les morceaux de viandes qui commencèrent à crépiter. Elle s'empara d'une poignet de soba qu'elle jeta dans l'eau bouillante. Le repas était en route. Se rendant compte qu'elle avait un peu de temps libre devant elle, elle ouvrit le placard qui se trouvait au dessus de son évier et en sortit une bonne bouteille de Chardonais. Elle prit un verre à pied, s'en servit un peu et y trempa les lèvres, juste histoire de sentir en elle le frisson de l'interdit.
La voix de la cantatrice s'éleva, par palier, dans des aigus encore plus impressionnants... encore plus inquiétants. Le grand moment, c'était pour bientôt.
Sakura entendit à nouveau la porte d'entrée.
-Kokuro... bon Dieu ! S'agaça-t-elle. Tu as encore oublié ton attaché-case, c'est ça !
Elle quitta la cuisine et évolua vers l'entrée.
La voix folle de Xiao Xiao san la poursuivit, montant encore et encore dans les aigus et finissant dans un cri d'outre-tombe, un cri qui fait froid dans le dos, un cri atroce et pourtant si harmonieux ; un cri qui se trouva tout de suite briser par un autre cri, par celui d'une Sakura absolument traumatisée par le spectacle qui se dessinait devant ses yeux...
-HHHHHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!
Le verre de Chardonais et le couteau lui échappèrent et vinrent se fracasser, en même temps, sur le sol. Pendant un moment, tout se figea.
Le verre à pied explosa dans une détonation fantastique et répandit son contenu pourpre sur la moquette. Puis, très vite, elle s'en alla imbiber la lame du couteau de cuisine.
La musique cessa.
ENTREPOTS DE KENSEI, PLUS TOT LORS DE CETTE MEME SOIREE...Izumi s'alluma une cigarette et regarda le bâtiment qui se dressait devant lui. Une profonde angoisse le saisit. Le signe de son humanité sans doute. Quel gamin de 17 ans n'aurait pas était effrayait par la situation dans laquelle il se trouvait ?
D'un pas qui se voulait assuré, il se dirigea vers l'entrée de l'entrepôt et frappa trois grands coups à la porte.
Un garçon d'à peu près son âge lui ouvrit, suivi de près par un molosse d'une quarantaine d'années en costume noir. Une violente nuée de tabac et de chanvre s'échappa du local.
-Tiens, tiens, tiens, annonça la voix de l'hôte, Kokuro Izumi de la terminale C. Qu'est-ce que tu fous là ?
-Laisse moi entrer Kato, commanda le jeune homme sur un ton autoritaire.
-Et pourquoi est-ce que je ferais ça ?
Le molosse s'approcha de l'entrée afin d'être sûr de pouvoir parer à toute éventualité.
-C'est vrai, après tout, c'est pas toi que j'ai vu traîner avec les Hide ces derniers temps ?
-Excuse-moi, répondit le jeune homme, j'aurais peut être mieux fait de faire comme toi : lécher le cul des Kuragari histoire de me faire du blé.
Le molosse esquissa un geste.
-Hé hé hé... lança Izumi en reculant d'un pas.
Il plongea la main dans sa poche, s'empara de son portefeuilles et en extirpa deux billets de 5000 yens.
Il en tendit un à Kato et un au vigile.
-Laissez moi entrer.
Les deux portiers hésitèrent un instant, puis ils s'écartèrent et laissèrent le passage libre.
Izumi pénétra au sein d'un tripot où se trouvaient plusieurs tables de jeux où des hommes et des femmes occupaient à de basses besognes pariaient l'argent qu'ils avaient durement gagner dans la journée. Entre les tables se pressaient une foule d'employés en costume, vêtus de noirs et aux yeux camouflés derrières des lunettes de soleil.
-Pardonnez-les mon père, murmura Izumi, car ils ne savent pas ce qu'ils font.
Le jeune homme chercha sa cible un instant, puis elle lui apparut, dissimulée dans le fond de la salle, perdue à une table de poker qu'elle partageait avec trois hommes en costume.
Il se dirigea vers elle, lui attrapa le bras et lança un vigoureux :
-On s'en va.
Les trois hommes lui jetèrent un regard interloqué. La jeune femme leva vers lui ses yeux d'un vert mélèze.
Lorsqu'elle le reconnut, elle s'écria :
-Kokuro chéri ! Te voilà enfin !!! Les choses sérieuses vont pouvoir commencer.
Izumi examina les pupilles de sa petite amie. Elles étaient dilatées à l'extrême.
-Tu joue maintenant ? Demanda-t-il.
-Non. Uniquement ce soir... j'avais besoin d'argent.
-D'argent ? Pourquoi faire ?
La jeune fille dégagea son bras et ne répondit rien.
Izumi savait que sa petite copine se droguait. En temps normal, cela dit, il préférait l'ignorer.
-Je suis con. Lança-t-il. Bien sûr que je sais pourquoi est-ce que tu as besoin d'argent. Allez, on s'en va. Je t'en donnerai si tu veux.
-Non ! J'ai dit ! Je veux d'abord finir ma partie !
-Hey ! grogna l'un des autres joueurs en se levant. T'as entendu la jeune fille ? Elle a dit qu'elle voulait finir la partie.
Izumi, exaspéré, se pencha par dessus l'épaule de sa petite copine, jeta un rapide coup d’œil à ses cartes et hurla :
-Un roi, deux deux, un valet et un neuf. Tous dépareillés. Je suppose que vous avez mieux ?
Puis, en attrapant le bras de Nana, il ajouta :
-Partie finie. On s'en va.
-Hey ! Mais pourquoi est-ce que t'as fait ça ? J'aillais me refaire.
-Biensûr.
-Attends un peu mon garçon, lui ordonna un autre joueur. Tu crois que tu peux venir ici et nous ruiner notre partie ? Si tu veux la prendre avec toi, tu vas devoir nous payez tout ce qu'elle nous doit. Plus la mise de la partie que tu viens de foutre en l'air aussi.
Sans sourciller, Izumi prit son porte-feuilles qu'il jeta sur la table.
-Tenez, y'a deux-cent mille yens là dedans, régalez-vous.
-Deux-cent mille yens, s'amusa l'autre. Tu veux quoi ? Payer nos consos ?
Le lycéen lança son regard dans ceux des trois hommes.
-Mais attendez, c'est ridicule. Nana n'aurait jamais eu assez d'argent pour...
-On sait. On lui a fait crédit figure toi.
-Ce qui est déjà en soit très malin... combien est-ce qu'elle a perdu ?
-Trois millions de yens.
Izumi eut un haut le cœur.
-T... trois millions de yens !
Puis, à l'adresse de sa copine, il ajouta :
-Comment est-ce que t'as pu perdre trois millions de yens ?
-Écoute, c'est pas grave, précisa l'un des trois hommes, si tu peux pas payer, on va garder ta petite copine.
Et sur ce, il la saisit par le bras et la tira vers lui.
-Kokuro... kokuro...s'exclama la jeune femme.
-Hey, attendez ! Lança le jeune homme. C'est bon, je vais payer... Pas tout de suite parce que j'ai pas l'argent sur moi mais je vais payer. Je vous le jure.
-Et comment on peut en être sûrs ?
-J'habite à Miraoaza. Au numéro 47. C'est la grande maison avec une mercedes garée devant. Ça vous va comme garantie ?
Il y eut un silence.
Dès lors qu'il avait ouvert le bouche, Kokuro s'en était atrocement voulu. C'était sa véritable adresse qu'il venait de donner. Comment avait-il pu faire quelque chose d'aussi stupide.. mais Nana... il l'aimait Nana...
-Miraoaza... répéta l'un des hommes. C'est pas le quartier le plus riche de la ville dit moi ?
-Écoute, renchérit un autre homme, on va se pointer devant chez toi. T'as intérêt à pas nous avoir menti. Sinon, on te retrouvera.
Sans demander son reste, Izumi pris sa petite copine par le bras et quitta le tripot.
QUELQUES HEURES PLUS TARD...Izumi marchait en direction de chez lui.
Il venait de déposer Nana chez elle et il pensait à la soirée de chaos qu'il venait de vivre. Quelle allait être la suite des événements ? Se demanda-t-il tandis qu'il s'enfonçait dans les rues calmes et désertes de Miraoaza.
Mon Dieu, il n'aurait jamais du donner l'adresse de chez lui à ces types. Comment avait-il pu être aussi stupide ?
Il pensa un instant à avertir les autres Hide de ce qu'il venait de lui arriver.
Peut être pourraient-ils l'aider. Après tout, il avait rejoint le gang depuis peu de temps mais il savait que ce choix était normalement sensé lui apporter tout le soutient dont il avait besoin pour ne pas avoir peur des menaces extérieures. C'est ce que lui avait dit une camarade de classe : Yumi, lorsqu'elle l'avait embrigadé. Elle s'était revendiquée comme l'une des chefs du clan et, selon elle, les valeurs prônées par celui-ci, le poussait à toujours à venir à la rescousse de l'un de ses membres.
Enfin, depuis l'arrivé des Kuragari en ville, tout avait changé.
Tandis qu'il progressait en direction du 47, la lumière des phares d'une voiture l'éblouit.
Lorsque la limousine passa à sa hauteur, il jeta un coup d’œil à travers la vitre arrière de celle-ci et il reconnu son père qui le fixait d'un être inquiet. La voiture fila dans la direction opposée à celle de chez lui.
-Qu'est-ce que...
Alors qu'il concentrait son attention vers sa maison, Izumi vit bientôt trois silhouettes se dessiner devant son entrée.
Deux d'entre elles étaient petites et trapues. Il s'agissait de deux des hommes qu'il avait croisés au tripot. Le troisième était plus grande, plus élancée, plus virile. Izumi ne l'avait jamais vue de sa vie.
Le cœur du jeune homme s'accéléra et manqua de défaillir.
Sans leur prêtait la moindre attention, il tenta d'ouvrir son portail, mais le plus grand des trois hommes l'en empêcha.
-Alors, dit celui-ci, il paraît qu'on doit de l'argent à mes amis ?
Kokuro l'examina avec inquiétude tandis que les deux autres hommes l'encerclaient.
Il était torse nu et sur sa peau sombre s'élançaient les contours d'un tatouage représentant l’emblème du Bioazard. Ses yeux étaient fins et sournois. Ses longs cheveux noirs tombaient en cascade sur sa nuque. Il était armait d'une longue barre de fer qu'il faisait virevolter, l'air de rien.
Il ressemblait à un tueur.
Les deux autres hommes rirent au moment où il sortirent deux couteaux papillons de leur poche.
Izumi eut un regard en direction de sa maison. Il vit que la lumière de la cuisine était allumée et, à travers les rideaux, il devina la silhouette de sa mère en train de préparer le repas.
-Maman... pensa-t-il, maman, par pitié, ne sors pas.
-Alors. Lança le plus grand de ses assaillants. T'as les trois millions ?
-T'es qui toi ? lança Izumi avec aplomb.
L'agresseur se figea un instant, comme surpris. Puis il eut un rire puissant avant de répondre :
-Jey. Tyler Jey. Mais t'as pas répondu à ma question.
-C'est ridicule. Jeta Izumi. Vous me les avez réclamé y'a même pas trois heures. Comment est-ce que vous voulez que je rassemble une telle somme en aussi peu de temps.
-T'as une jolie voiture. Répondit Tyler. Une jolie maison. Tes parents doivent beaucoup t'aimer, non ?
-Les mêlez pas à ça.
Tyler eut un rire.
-Bon écoute mon gros. J'pense qu'il est assez évident que ce qui t'intéresse, c'est pas l'argent.
-Ahah... t'as raison, p't'être pas.
-Alors qu'est-ce que tu veux putain ?
-J'sais pas... p't'être que j'ai juste envie de me faire un petit bourge d'Hide, juste devant sa maison de fils de riche...
Le cœur d'Izumi s'arrêta. Il y eut un silence qui parut durer une éternité.
Et puis le chaos.
-J'en sais rien. Venait juste de dire le dénommé Tyler. L'idée de massacrer un petit Hide devant sa propre maison me botte bien en fait.
Izumi n'avait rien répondu. Les battements de son cœur s'étaient interrompu. Un long silence s'était installé.
Sans prévenir, Kokuro bondit à la gorge de son adversaire.
Il vit, du coin de l’œil, deux silhouettes fondre vers lui et il sentit deux lames s'enfoncer dans ses côtes.
Il eut un cri horrible.
Sa mère avait très probablement mis la musique, comme à son habitude. Elle ne l'entendrait très probablement pas. Elle continuerait à cuisiner pour fêter ses résultat au concours d'entrée à l'université. Tant mieux. Au moins n'était-elle pas en danger.
D'un coup de coude bien placé, Izumi parvint à dégager l'un de ses assaillants qui bascula en arrière. Il esquiva un coup de barre de fer avant de parvenir à en envoyer un deuxième au tapis.
Ne restait plus que Tyler.
Kokuro lui fit face mais ses blessures le minaient.
Il se prit un coup de barre de fer dans les côtes et un autres sur le visage.
Il tomba au sol et sentit de larges plaies s'ouvrir sur sa peau.
Son sang... il voyait son sang se répandre sur le bitume. Là, juste devant chez lui. A l'endroit où son père venait chercher le courrier tous les matins. A l'endroit où sa mère l'emmenait jouait lorsqu'il était petit.
Tout allait-il finir maintenant ? Si vite ? …. Si bêtement ? …
Que feras-tu après ça mon amour ?
Un nouveau coup de barre de fer vint l’assommer. Il s'étendit de tout son poids et sentit ses dents se briser contre le goudron.
La nuit était calme. Il n'y avait rien. Plus rien d'autre que le rire de Tyler.
Un nouveau cou le plia en deux.
Mon amour, après ça, que feras-tu ?
Le visage de Nana se dessina devant ses yeux clos. Il sentait le sang qui se rependait autour de lui.
-Achevez-le, lança la voix de Tyler avec dédain.
Mon amour, que feras-tu ?
Il y eut un coup de feu qui déchira la nuit. Puis, rien d'autre que les aboiements des chiens.
Izumi reprit connaissance presque aussitôt.
Il se retourna avec douleur et il vit le chauffeur de son père armé d'un long fusil qu'il braquait vers le ciel.
Ce dernier attrapa la barre de fer que Tyler venait de lâcher et la brandit en directions des agresseurs.
Le chauffeur baissa le canon de son fusil qu'il braqua en direction des troubles-fête.
-Cassez-vous. Lança-t-il.
Les hommes déguerpirent aussitôt.
Kokuro se releva difficilement.
-P... papa... balbutia-t-il
La limousine de celui-ci était garée sur le côté de la rue. Comprenant la situation, il avait très probablement fait demi-tour.
-Rentre tout de suite. Ta mère écoute la musique tellement fort qu'elle n'a probablement pas entendu le coup de feu. Dis lui de s'occuper de toi.
De grosses larmes apparurent au creux des yeux du lycéen.
-Papa...
-Rentre j'ai dit ! Les voisins vont commencer à sortir.
Izumi fit volte-face et tituba en direction de sa porte d'entrée. Tandis qu'il allait l'ouvrir, il entendit son père s'exclamer :
-Bon sang Aizome ! Vous cachez une arme dans votre voiture ! Mais qu'est-ce qui ne va pas chez vous !
BANLIEU DE KENSEI, QUELQUES SECONDES PLUS TARD...-HHHHHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!
Sakura, tremblante, observa son fils se vider de son sang sous ses yeux.
Lentement, ce denier tomba à la renverse.
-I... Izomichan !
* * *
Izumi reprit difficilement connaissance.
Lorsqu'il le fit, il se retrouva nez-à-nez avec le visage humide de son père.
-P... papa... tu pleures...
Il eut un silence.
-Ta mère t'a recousu. Dit Takumi. Elle dit que tes blessures n'étaient pas profondes. Que tout ira bien et donc que ça n'est pas la peine de t'emmener à l'hôpital... Tu vois, maman disait que j'avais tord d'épouser une chirurgienne. Qu'elle ne ferait jamais une bonne femme au foyer. Visiblement, elle se trompait.
Izumi avait encore mal mais il le savait, ce qui allait le plus le blesser c'était ce qui allait suivre.
-Papa...
-Non, répondit son père en se levant. Non. Je ne veux pas t'entendre.
Le jeune homme entendit le bruit des pantoufle de sa mère se rapprochant de sa chambre. Il se redressa sur son lit au moment où celle-ci entra et jeta sur ses draps une pochette de weed, des écussons à l'effigie des Hide et un paquet de cigarettes.
-Qui ? Demanda-t-elle d'un ton sec.
-Quoi...
-Qui t'as donné tout ça ?
Izumi hésita un instant...
-Pour la drogue, c'est pas à moi. Je l'ai prise à Nana pour éviter...
-Nana ! Hurla sa mère dans un sanglot qu'elle ne pouvait plus contenir. Je savais que c'était elle qui...
-Attends maman, tu ne comprends pas, ça n'est pas ce que tu crois...
-Arrête !
-Maman...
-Stop !
-Je...
-TAIS-TOI !!!
Les sons émis par le garçon s'évanouirent dans le vide, comme si sa mère venait de lui voler sa voix.
Sakura s'alluma une cigarette et croisa les bras tout en fumant. Elle se planta devant le lit de son fils. Droite comme un « i », le regard perdu dans le vide.
D'un ton très calme et très décousu, elle lança :
-Tu ne vas plus jamais revoir cette fille. Est-ce que c'est clair ?
-Maman...
-Est-ce-que-c'est-bien-clair !
Izumi baissa les yeux.
-Oui.
-Et tu vas t'éloigner de ce gang ou de je ne sais quoi. Je ne veux plus jamais te voir avec une personne portant cette écusson. Tu m'as comprise ?
-Oui...
-De toutes façon, tu n'en auras pas l'occasion. A la fin des vacances, tu vas aller à l'université de Kensei et hors de question que tu te prennes un appartement en ville. C'est moi qui te déposerai et c'est moi qui viendrai te chercher à la fin de chacun de tes cours. En dehors de ça et de l'Eglise tu ne sors plus de cette maison.
-Mais...
-Tu n'es pas en position d'avoir le choix !
-D'accord...
-Et la prochaine fois, ne rentre pas à la maison. Car il est hors de question que je te recouse encore une fois.
La semaine suivante, Izumi parvint à tromper la vigilance de ses parents afin d'aller voir Otsaku chez elle. Sans dire mot, il fouilla son appartement, s'empara de toute la drogue qu'il put trouvé et la jeta dans les toilettes. Alors, en dépit des pleurs et des supplications de la jeune fille, il lui annonça qu'elle lui faisait désormais horreur et qu'il ne voulait plus jamais la revoir de sa vie.
-Mais tu m'as dit que tu m'aimais ! Protesta-t-elle.
-Parfois... parfois l'amour ne suffit plus. Répondit-il.
Et sans ajouter mot, il disparut de sa vie...
BANLIEU DE KENSEI, 2 ANS PLUS TARD...Lorsqu'il poussa la porte de chez lui, Izumi fut accueilli par une puissante détonation. Le bouchon de liège s'envola dans une explosion de mousse de champagne qui gicla en jets sur le carrelage.
La moquette qui s'était trouvée ici plus tôt avait du être changée.
-CONGRETS !!! hurla en cœur l'assemblée de sa famille réunie devant lui.
Le jeune homme eut un sourire. Voir les siens fiers de lui le réjouissait assez.
Il scruta les lieux d'un œil rapide. Devant lui se tenaient sa mère, son père et une poignée de connaissances et d'amis de la famille, triés sur le volé.
Du coin de l’œil, il vit que le salon avait été décoré. Des petits fours trônaient sur une table blanche, un bar avait été dressé et une banderole gigantesque portait la mention : « Au futur avocat ».
-I... il ne fallait pas... commença Kokuro.
-Mais si, mais siii !! S'empressa de lui lancer sa mère en l'étreignant (lui renversant, par la même occasion, un peu de la bouteille qu'elle tenait à la main sur le dos de la chemise). Ça n'est pas tous les jours que mon fils finit dans le classement des cinquante meilleurs élèves du pays !
-Maman c'est rien.
-Mais qu'est-ce que tu racontes, mon amour ?
En aparté, elle ajouta :
-Ne me fais pas honte, j'en ai fait tout un plat devant les autres.
Se tournant vers le public, elle reprit :
-Est-ce que tu peux nous rappeler combientième est-ce que tu as terminé dans le classement interne ?
-Major...
-Major de sa promotion !
Il y eut un tonnerre d'applaudissements.
Takumi posa sa main sur l'épaule d'Izumi :
-Félicitation mon fils. Lui dit-il.
Lorsque son père relâcha son étreinte, le jeune garçon sentit une main lui pincer la joue et lui mettre une petite claque amicale.
-Mamie Kokuro ! S'exclama-t-il.
-Félicitation Izumichan ! Non mais regarde toi, quel beau jeune homme tu fais !
Izumi était assez d'accord. Il n'était plus un vulgaire lycéen chétif désormais. Il était un étudiant de la faculté de Kensei. Et les entraînements de karaté sculptaient chaque jour un peu plus son corps.
-Je n'arrête pas de lui dire qu'il serait grand temps qu'il se trouve une femme ! Annonça sa mère. Mais enfin, qu'est-ce que vous voulez. Les jeunes, ils n'en font qu'à leur tête.
-Oui, oui, renchérit mamie Kokuro en tapotant la joue de son petit fils. Et alors, quel bonheur qu'il ait enfin décidé de décrocher de toutes ces histoires de drogue et de gang ou de je ne sais quoi !
L'euphorie s'arrêta net.
Il y eut un long silence. Un silence gênant.
-Mais...enfin, qu'est-ce que tu racontes mamie ? Tenta Izumi.
-Oui, enfin bon, s'empressa de placer sa mère. Venez tous avec moi ! Suivez moi dans le salon parce que cette bonne bouteille de champagne frrrrançais, ne va pas se servir toute seule.
-A ben, là, je veux bien ! Décréta un vieil oncle.
Et l'assemblé fila aussitôt.
Tandis qu'elle s'éloignait, le garçon entendit sa mère dire à l'une de ses copines :
-L’Alzheimer et un début de démence sénile. Alors les deux combinés... Ils ne savent plus ce qu'ils racontent ces gens là. J'avais dit à Takumi de ne pas l'inviter mais, tu sais ce que c'est : la famille. De toute façon, cette bonne femme me déteste. Moi et mes enfants. Je suis presque sûre qu'elle l'a fait exprès. Tiens.
Les échos des conversations disparurent en même temps que les gens.
Izuki poussa un soupir de soulagement.
Lorsqu'il se rendit compte du fait que plus personne ne prêtait attention à lui, l'étudiant se glissa discrètement à la suite des autres, tous occupés à tendre leur coupe à sa mère et s’insinua insidieusement jusqu'à la table des petits fours.
Il attrapa une assiette, en examina le contenu un instant, puis se décida pour un feuilleté au saumon.
Seulement, au moment où il voulut l'attraper, une autre main se posa dessus.
-Hey ! Pensa le jeune homme. Lâche ma bouffe toi.
Il leva les yeux vers l'autre prétendant pour tomber nez à nez avec un jeune garçon aux yeux d'un bleu azur et aux cheveux teints eux aussi en bleu.
L'homme le regarda fixement. Sans rien dire.
-Ce feuilleté est à moi. Déclara Izumi.
-Et en quel honneur ? Demanda l'autre.
-Parce que cette fête est donnée en mon honneur.
Et sans plus de cérémonie, il prit le petit-four qu'il engouffra dans sa bouche et croqua avidement.
-Tu es conscient que je l'ai touché avec mes doigts... commenta l'homme. Et que tu viens de le mettre dans ta bouche.
Izumi se figea...
Il bondit en arrière, attrapa une serviette et recracha l’immonde canapé.
-Ahahah, se moqua l'homme en lui tapotant dans le dos. Izuchan, toujours fidèle à toi même. Tu n'as pas changé.
-Comme tu vois, répondit Izumi. Ça va Matt ?
-On ne peut mieux. Répondit l'autre en examinant le buffet. Et toi ?
-On dirait bien que oui.
Les deux hommes remplirent leurs assiettes tout en discutant.
-Tu en es sûr ? Tes parents t'organisent une super fête pour célébrer le fait que tu as finit major de ta promotion et tout cela n'a pas tellement l'air de te réjouir.
-Je n'en sais rien, répondit Izumi. Je crois que ma liberté me manque.
-O non, ça ça ne te ressemble pas. Pas à toi, Izumi Kokuro, le fils, l'étudiant et le paroissien parfait.
-Je sais... je suis fier de tout ça. J'avance dans ma vie et chaque jour je me rapproche un peu plus de mes objectifs. Seulement...
-Seulement ?
Seulement il arrivait encore souvent à Izumi de penser à Nana.
-Seulement ma liberté me manque, je crois.
-Prends-toi des vacances.
-Pourquoi serais-je plus heureux ailleurs qu'ici ? Le bonheur, ça n'est pas sensé être un travail sur soit-même ? Et puis, mes moment d'évasion je les trouve lorsque je potasse ma bible ou mes codes.
Matt jeta un regard atterré à son ami.
-T'es bizarre toi comme garçon.
-Ou trop sensé pour le reste du monde.
-Mhhh... acquiesça l'autre en fourrant un petit four dans sa bouche. En tous cas moi ce que j'en dis. Tes parents ont de l'argent. Tu les rends suffisamment fiers pour qu'ils soient disposés à te payer tout ce que tu veux. Alors profites-en. Tu verras quand tu entreras dans la vie active. C'est pas avec mon salaire qu'on peut se payer un voyage aux tropi...
L'homme se ravisa.
-Tiens, c'est vrai, lança Izumi d'un air faussement naïf. Tu ne m'as jamais parlé de ton métier. Tu fais quoi au juste ?
-Oh....euh... balbutia l'homme. C'est ta fête voyons, je ne vais pas t'embêter avec tout ça.
-On contraire Matt, tu es mon ami, ça m'intéresse d'en savoir plus sur toi.
Matt observa Izumi. Une lueur malsaine brillait dans son regard. Une lueur troublante. Une lueur qui donnait la nausée et faisait s'agiter les battements de son cœur.
-Mécano. Je suis mécano.
-Dans quel garage ?
-A la recherche d'un emploi. Tu es content ? C'est pour ça que je n'aime pas bien parler de ma vie.
Izumi fixa encore un instant Matt dans le blanc des yeux, puis il reporta son attention sur le buffet. Il savait que celui-ci mentait. Son intime conviction ? Il y avait de très fortes probabilités pour que ce soit un flic. L'homme avait débarqué dans sa vie sans prévenir, il ne l'avait jamais ramené chez lui, se montrait très évasive quant à sa vie personnelle et puis il semblait constamment tendu, comme sur le qui-vive. Enfin, peu importait. Si il s'agissait vraiment d'un policier, l'étudiant ne savait pas très bien ce qu'il espérait trouvait en le côtoyant. De toutes façons, ils pouvaient creuser autant qu'il le désirait, il ne tomberait sur aucun cadavre caché.
-C'est marrant ce qu'à dit ta grand mère tout à l'heure.
-Oui. Répondit Izumi en jouant la carte de l'amusé. Et encore, ça ce n'est rien. Si tu entendais le dixième de ce qu'elle nous sort par moment... Tiens, la dernière fois, on la retrouvée dans le jardin de son petit pavillon, en robe de chambre, avec une passoire sur la tête, un bokken dans les mains -ne me demande pas où elle l'a trouvé, je n'en sais rien- et elle nous répétait qu'elle était le daimyô Ieyasu Tokugawa et qu'elle attendait Mitsunari Ishida et ses alliés pour en découdre.
Matt eut un rire feint.
-Tu es sûr que tu ne me mens pas ? Enfin, je veux dire... si tu étais dans un clan, tu me le dirais.
-Pourquoi ? S'exclama Izumi en posant son assiette et en attrapant son ami par l'épaule. Tu veux nous rejoindre ?
L'autre fut atterré.
-Euh...je... balbutia-t-il.
-Parce que, tu sais, l'argent de la drogue, ça paie plus que l'indemnité au chômage.
Les deux collègues se regardèrent un instant. Puis Matt esquissa un sourire et ils rirent tous les deux en cœur.
-Ahhh, mon petit Diarit-san, pensa Izumi en son fort intérieur. Dans ce manque total de défi et de stimulation qu'est la vie, je dois bien avouer que te manipuler et me jouer de toi, m'amuse grandement.
-Bon, et bien je file. Lança finalement Matt. Je me lève tôt demain, j'ai un tentretient d'embauche aux aurores. Tu es libre pour une partie d'échec mardi soir ?
-Quand tu veux. Répondit Kokuro.
-Je suis bien décide à te battre cette fois.
-Tu ne me battras jamais, se dit Izumi à lui même, non, jamais mon petit Diari-San. Tu es bien trop bête pour cela !
Sakura passa sa main mouillée dans la nuque de son fils qui se cambra légèrement.
La fête s'était finie il y avait plusieurs heures et toute la famille s’affairait dans la cuisine.
-Merci encore, dit la femme à son fils, de m'aider à faire la vaisselle. Avec tout le travail que tu as à faire pour la rentrée, je ne sais même pas comment est-ce que tu trouve encore un peu de temps pour ta bonne vieille mère.
-O, ça. Répondit Izumi. Ça n'est rien.
Il fallait qu'il offre eu monde un visage sympathique. Cela ne pouvait que servir ses intérêts. Et puis, faire la vaisselle ne le dérangeait pas outre mesure.
-Mais non ! Rétorqua sa mère. Au contraire, c'est beaucoup.
Puis, en déposant un baiser sur sa joue, elle ajouta.
-Et merci de me rendre aussi fière chaque jour.
Le souffle d'Izumi se coupa.
-Ta grand mère a raison, tu sais. On s'est vraiment inquiéter pour toi à un moment avec ces histoires de drogue, de gang et de bagarre de rue. Mais Dieu merci, nous savons que tout cela est derrière nous désormais. Nous louons le Seigneur chaque jour qu'il fait pour t'avoir remis sur le droit chemin et pour avoir fait de nous des parents comblés.
-Maman...
-Elle a raison, renchérit Takumi. T'es un bon petit Izumi. Et t'iras loin... Mon fils, désormais je sais que je mourir à tout instant car j'irais dans la tombe en sachant que tu prendras soin de ta mère avec autant d'acharnement et de bon cœur que tu t'occupes de tes études et de tes amis.
-Papa...
Le jeune homme était réellement touché.
-Papa, maman... je vous aime, tous les deux.
-On t'aime aussi Izumi.
* * *
-Bon, décréta Takumi en essuyant ses mains mouillées. Assez bavardé pour ce soir. Izumi, tu devrais aller te coucher.
-O, protesta Sakura, laisse le un peu vivre. Il est en vacance !
-Non, demain, il passe son premier entretient d'embauche.
-Quoi ! Demanda le garçon étonné.
-Tu connais le cabinet Satô et associés ? C'est celui qui défend mon entreprise...
-O, c'est pas vrai ! S'exclama Sakura.
-Oui, et bien ? Demanda Izumi.
-Et bien je t'ai trouvé un poste d'assistant chez eux. Tout ce que tu as à faire c'est d'impressionner Maître Satô et la place est pour toi.
-O c'est pas vrai ! Répéta Sakura presque hystérique. Ça y est, mon petit garçon va presque devenir un avocat !
-Papa... je... je sais pas quoi dire...
-Ahah, alors, ne dit rien ! Viens, là, serre moi la main, mon fils !
-Papa...
Izumi tendit sa main et empoigna celle de Takumi avec vigueur. Un grand sourire se dessina peu à peu sur son visage.
-Mais c'est qu'il a une sacré poigne mon garçon ! C'est le karaté, hein ? Dis-moi ! C'est ça ton secret !!!
-Ohhoh ! S'extasia Sakura. K... Kawai desuyo !!! Ne... bougez surtout pas d'accord ? Je vais aller chercher mon appareil photo !
Izumi tourna la tête vers la baie vitrée. Il y observa son propre reflet.
La blancheur de sa peau le faisait ressembler à un ange. Un ange perdu au beau milieu des ténèbres de la nuit. Le reflet des branches d'un arbre qui siégeait dans le jardin se dessinaient derrière lui et donnait l’impression qu'ils était dotés d'ailes. Deux ailes d'un noir d'encre.
Au delà de son reflet, le garçon examina la banlieue endormie.
La guerre des gangs était bien loin. Le pic de violence qu'avait connu la ville avait cessé il y avait déjà plusieurs années -il en était sûr- exclusivement grâce à la fougue et au courage des Hide. Les braves Hide. Autant de soldats qui guettaient dans le calme de la nuit, prêts à intervenir au moindre incident. Ils avaient besoin d'un ange pour les guider. D'un dieu, qui ne se pavanerait pas à leur tête comme un vulgaire chef de gang mais qui agirait dans l'ombre pour les aiguiller encore plus et pour les conserver sur le chemin de la droiture et de la justice.
Izumi le savait, même en cette période de grand calme, l'insécurité régnait à Kensei. Même ici, au sein de Miraoaza, le quartier le plus calme de la ville.
* * *
Alors ça y est, il allait presque devenir avocat.
Il allait presque devenir avocat...
CENTRE-VILLE DE KENSEI, LE LENDEMAIN...
Une secrétaire fit s'installer Kokuro dans le bureau de Maître Satô.
L'endroit, aussi imposant que l'homme, dominait la ville qui semblait se plier sous son regard.
-Satô sensei est sur son portable avec un client, précisa la jeune femme. Il vient vous voir dans une minute. Je peux vous proposer un café, un thé ou... de l'eau.
-Non, je vous remercie. Répondit le jeune étudiant.
Ce n'est que quelques temps après que la secrétaire eut quitté le bureau qu'un homme de très grande taille, à la carrure impressionnante et au crâne chauve entra en trombe.
-Restez assis, restez assis, mon garçon. Lança-t-il à Kokuro comme celui-ci allait se lever.
L'homme s'assit en face de lui.
Il faisait peur.
Il était de ceux qui avaient naturellement cet aura imposant qui gravitait autour d'eux. Pourtant, lorsque l'on prenait bien le temps de le regarder, il n'avait rien de repoussant. Bien au contraire. Il ressemblaient assez à un européen. Sa peau était plutôt blanche et ses yeux n'étaient que très peu bridés. Il était vêtu d'un costume noir, trois pièces qui, d'après les estimation d'Izumi devait bien valoir dans les un million de yens. Il était bien rasé, très propre sur lui. Les traits de son visages étaient fins et, surtout, il avait un sourire qui mettait tout de suite un on-ne-sait-quoi de baume au cœur, sans pour autant pousser à baisser sa garde.
-Alors, Kokuro. On m'a dit que tu étais très croyant, c'est ça ?
Izumi ne répondit rien. Il s'était attendu à tout sauf à ça. Qu'essayait donc de faire l'homme ? Il voulait le déstabiliser ?
-Oui.
-Et dis-moi. Que penses-tu du monde actuel ?
Nouveau silence. Mais qu'attendait-il enfin !
-Je...
-Honnêtement. Précisa l'autre en dodelinante de la tête.
-Honnêtement ?
-Lâche toi.
Izumi hésita. Il n'était pas sensé faire cela. Il n'était sensé lâcher tout ce qu'il pensait au fond de lui au premier venu. Cela pouvait être dangereux. Pour lui, pour son image, pour ses ambitions.
Pourtant, il y avait quelque chose avec cet homme là... quelque chose de différent... quelque chose qui lui donnait envie de se livrer.
-Et bien, si vous voulez connaître ma conviction la plus intime... je pense... que le monde extérieur est pourri. Pourri jusqu'à la moelle. La démocratie est un leurre. Elle ne peut pas marcher. Et vous savez pourquoi ? Parce que lorsque je vote, je prends le temps d'examiner le programme de chaque candidat. Je fais des recherches sur la politique militaire, économique et sociale de notre pays et sur ce qui serait le mieux pour la suite. Je regarde les débats télévisés, je réfléchis longuement à la question, je pèse le pour et le contre, je me demande ce que Dieu aurait voulu... Et pourtant, lorsque, au final, je vais mettre mon bulletin dans l'urne, ma voix a le même poids que celle du premier crétin analphabète qui vote pour le candidat qui a fait des promesses en l'air et qui ne changera absolument rien une fois en place. Et les crétins sont légion. Ils représentent, selon moi, 80 à 90% de la population alors ils finissent toujours par obtenir la majorité. Et c'est ainsi que meurent tous les espoirs d'un lendemain radieux, étouffés par le voile malsain de la démagogie. Non... ce système ne marchera jamais. Il ne peut pas marcher. La justice elle-même est morte-née car elle laisse trop de coupables déambuler au sein de nos rues. Elle engrange de la criminalité et laisse nos rues à la merci des gangs qui les dévastent et les déforment.
-Pourtant, répondit Satô, j'ai entendu dire que tu faisais partie des Hide.
-Hannn !
Izumi retint une exclamation. C'est donc là que son hôte voulait en venir.
-Je n'aurais qu'une seule question. Pourquoi ? … Oui, pourquoi toi le jeune homme bien sous toutes les coutures, toi le brillant étudiant en droit, toi, le produit du système, tu t'es acoquiné avec de tels gens ?
Le cœur de l'étudiant battait à tout rompre.
-Je ne fais pas partie des Hide.
-Tu en as fait partie. Je le tiens de ton père.
-Cette abruti aussi qui s'amuse à raconter ma vie sur tous les toits !!! Pensa Izumi.
-C'était une erreur de jeunesse, répondit-il du tac-o-tac, j'en suis revenu.
-Tu mens. Je ne te crois pas.
Izumi se leva.
-Est-ce que vous êtes de la police !
-Je suis avocat.
-Est-ce que vous travaillez avec la police ?
-C'est ridicule. Réponds à ma question.
-Vous n'avez pas répondu à la mienne.
-Non ! Je ne travaille pas avec la police. Maintenant réponds à ma question.
Izumi examina l'étrange personnage.
-Et bien maintenant, c'est à mon tour de na pas vous croire.
Il tourna les talons et commença à s'en allez.
-RESTE LA !
Grogna l’impressionnant Satô.
Le jeune homme se retourna.
-Assieds-toi.
Sans trop savoir pourquoi, Izumi s'exécuta.
L'homme eut un sourire qui était soit bienveillant, soit empreint de sadisme. Le jeune homme ne savait pas bien.
-Tu es étudiant en droit. Dit l'avocat. Tu sais deux ou trois choses, n'est-ce pas ?
Il ouvrit alors l'un de ses tiroirs, en sortit une feuille de papier et un stylo.
-Qu'est-ce que c'est ? Demanda Kokuro en le parcourant négligemment.
-Un contrat.
-Comment ça ?
-Il dit que toi : Kokuro Izumi, tu accepte de me prendre, moi : Satô Takehiho, comme avocat. Et ce, à titre gratuit.
Izumi eut peur de comprendre.
-Aisni...
-Ainsi je serais lié à toi par le secret professionnel et, même si tu me disais que tu étais, je ne sais pas... membre d'un gang, mon témoignage serait, de toute façon, irrecevable devant une cour de justice.
Le garçon fixa l'homme droit dans les yeux. Qu'attendait-il de lui au juste ? Il ne le savait pas. Non. Mais il brûlait de le savoir.
Sans hésiter d'avantage, il signa le papier et le parapha.
-Bien, dit maître Satô. Alors je repose ma question : pourquoi avoir rejoint les Hide.
-Au début, sans grande conviction... puis, j'y suis resté parce que je me suis dit qu'il s'agissait d'un groupe qui tentait à défendre la justice et, même si je ne cautionne pas tous leurs actes et même si je pense que la plupart d'entre eux sont des crétins finis, je pense qu'ils peuvent changer les choses ici, peut être même ailleurs et que, de ce fait, il ont besoin de quelqu'un comme moi au sein de leurs rangs.
Takehiho se leva et alla se planter devant sa baie vitrée.
-Et, contrairement à ce que pense ta famille, demande-t-il, tu ne les a jamais quitté, n'est-ce pas ?
-Effectivement. J'ai appris très tôt à ne pas porter l'insigne, cela présente trop de désavantages. Et puis je ne suis pas aussi bête que eux, je sais que oeuvrer dans l'ombre est beaucoup plus intéressant.
-Tu n'as jamais pensé à les quitter ?
-Si, il y a quatre ans. Mais alors, les affrontements ont commencé et je me suis dit qu'ils avaient besoin de moi.
-Tu compte les quitter un jour ?
-Je ne sais pas. La fidélité ça n'est pas mon fort. Du moins, pas pour ces choses là. Mais, dans l'état actuel des choses, je n'entends pas m'en séparer. Je sers bien leurs intérêts... et ils servent bien les miens.
-C'est parfait.
-Parfait ? … pourquoi parfait ?
Maitre Saito plongea son regard sur la ville.
-Tu sais, dit-il, tu n'es pas le seul à défendre tes idéaux. Et certaines personnes, assez favorables aux Hide sont loin d'être des lycéens ou des étudiants.
-Qu'est-ce que vous voulez dire ?
-Je veux dire que moi aussi je pense que ce monde est pourri jusqu'à la moelle. Mais, contrairement à toi, au lieu de faire des plans sur la comète, j'agis pour rétablir la justice.
-Comment ?
-Tu as raison, tu sais ? Il y a pleins de criminels dans nos rues. Et la plupart d'entre eux sont des Kuragari.... Tu sais, cette ville est en train de changer. Je suis avocat, je le sais. Les méfaits de tous ces déchets immondes ne cessent d'augmenter jour après jour. Sauf que maintenant, la police est avec eux. Le système est trop pourri pour durer. Il y aura une nouvelle guerre bientôt. Tu verras que le futur va me donnera raison. Ces criminels de Kuragari agissent en toute impunité. Ils ne sont même plus inquiétés. Et quand bien même il le seraient, il courent vite ici pour essayer de trouver un vice de forme susceptible de les faire libérer.
-Et vous les aider.
Maitre Satô s'élança vers son futur élève. Il mit un genou à terre et il prit sa main.
-Dans un premier temps, oui ! Et c'est là que réside le génie de tout le système que j'ai crée. Parce qu'en plus de récupérer leur argent sale, je les extirpe aux griffes de la justice qui, de toute façon, ne se serait montrer que trop clémente avec eux.
-Et ensuite ?
-Ensuite, je fais le tri. Je pardonne ceux qui n'ont commis que des délits mineurs afin ne pas trop attirer l'attention sur moi. En revanche, ceux qui ont commis des crimes graves...
L'avocat agita sa tête de gauche à droite.
-Je répare les erreurs.
-Vous les réparez ?
-Oui.
-Pourquoi ?
Maitre Satô, fit le tour de son bureau. Il ouvrit un autre tiroir et en sortit un étui contenant toute une collection de chevalières en or, orné d'un sceau : 秀 – Exceller .
-Parce que, répondit-t-il, moi aussi je pense que les Hide peuvent parfaitement servir mes intérêts.
Izumi n'en cru pas ses yeux. C... comment un avocat respecté ? Et pourquoi ? Lui aussi défendait-il une conception de la justice qui lui était propre ?
-Kokuro, il est plus que temps que tu renoue avec l’emblème de ceux qui t'ont crées.
-Qu'attendez-vous de moi au juste ?
-Ce pourquoi je t'ai fait venir ici : que tu travailles pour moi.
-En tant qu'assistant ou en tant que « correcteur » ?
-Les deux. Voies-tu aux yeux de tout le monde ici, tu ne seras qu'un simple archiviste. Tu classeras mes dossiers, tu feras des recherches pour moi, tu prépareras mes plaidoiries et, de temps en temps tu pourras m'accompagner au tribunal.
-Et au dehors ?
-Au dehors, je pourrais te demander, de temps à autres, d'aller cueillir un poisson qui a échappé aux mailles du filet. Et de... rendre justice...
Un large sourire se dessina sur le visage du jeune homme. Il empoigna une chevalière qu'il examina avec avidité et il murmura :
-Une autre conception de la justice...
-Une autre conception de la justice. Répéta Satô sensei. Izumi, tu as déjà tué un homme ?
-Non.
-Tu vas voir, on y prend, très vite, un plaisir incontrôlable...
La conversation fut écourtée par la sonnerie de l'interphone.
-Satô-sensei, Votre fille veut vous voir.
-A ! Sayumi ! Tu vas voir mon petit Izumi, tu vas l'adorer. Elle a à peu près ton âge.
L'avocat se dirigea vers la porte. Avant de l'ouvrir, il se retourna et précisa :
-O, elle ne sait rien des quelques activités extra-juridiques de mon cabinet alors, soit gentil, ne lui dit rien, d'accord ?
Et, dans un sourire il ajouta :
-Tu sais quoi ? Je suis presque sûr que vous feriez un beau couple tous les deux.